Munir Lakmani
13/08/2025 Allemagne
La consommation, dans le monde d’aujourd’hui, n’est plus simplement une activité économique visant à satisfaire des besoins essentiels ; elle est devenue un mode de vie qui impose son rythme à nos quotidiens. Les marchés n’attendent plus notre besoin pour proposer leurs produits, ils créent et façonnent ce besoin à travers des campagnes publicitaires soigneusement conçues, exploitant les émotions les plus profondes de l’être humain : le désir d’acceptation, l’aspiration au confort, et la peur de rester à la traîne.
Ce basculement nous enferme dans un cercle fermé : plus la production augmente pour satisfaire des désirs renouvelés, plus ces désirs se multiplient à mesure que la production croît. Dans ce cycle, le consommateur est davantage dirigé qu’il n’est libre, poussé vers des choix qui paraissent personnels mais qui, en réalité, sont le fruit d’une stratégie de marketing et de planification précise.
Les médias et la construction de l’identité consumériste
Les médias, qu’ils soient traditionnels ou numériques, jouent un rôle central dans la redéfinition des repères identitaires. Autrefois, l’individu se comparait à son cercle proche ; aujourd’hui, la comparaison est devenue mondiale, alimentée par des écrans qui exposent des modes de vie luxueux, des voitures haut de gamme, de vastes demeures, et des vêtements griffés.
Ce qui semble inspirant au premier regard se transforme peu à peu en norme de référence pour soi-même, générant un sentiment d’insuffisance chez ceux qui ne peuvent atteindre ce standard. Un jeune, par exemple, peut visionner sur les réseaux sociaux une vidéo d’une personne voyageant chaque mois vers une nouvelle destination, et commencer à mesurer sa vie modeste à l’aune de ces voyages ostentatoires, même si ce contenu est mis en scène ou sponsorisé.
Ces comparaisons continues nourrissent le désir de dépenser pour des biens superflus, parfois au détriment de l’essentiel.
La consommation comme substitut au lien humain
Avec l’affaiblissement des liens sociaux et l’éclatement des familles élargies, un vide affectif s’est installé, que la culture consumériste s’efforce de combler. Beaucoup achètent non pas par nécessité, mais pour compenser un manque de reconnaissance ou pour apaiser solitude et anxiété.
Les objets deviennent alors une “langue” d’expression de soi et d’appartenance, mais une langue éphémère, incapable de procurer une satisfaction durable. Combien de personnes sortent d’un magasin ravies d’avoir acquis de nouvelles chaussures ou un smartphone dernier cri, pour découvrir quelques jours plus tard que cette euphorie s’est éteinte, laissant place à un nouveau vide ?
Un coût environnemental invisible
Derrière chaque produit en rayon se cache une histoire invisible : extraction de ressources, consommation d’énergie, transport, pollution due à la fabrication, à l’emballage et aux déchets. Si tous les habitants de la planète visaient le niveau de vie des plus riches, il faudrait les ressources de trois planètes — une impossibilité écologique.
L’exemple de la “fast fashion” est parlant : un vêtement vendu à bas prix a nécessité des milliers de litres d’eau, a été produit dans des conditions de travail précaires, et finira jeté après une seule saison, générant d’énormes déchets.
Mode et biens comme symboles identitaires
Des vêtements tendance aux derniers gadgets électroniques, la consommation est devenue un outil d’expression identitaire et de position sociale. Une montre hors de prix ou un téléphone dernier cri peuvent suffire à afficher un certain statut, indépendamment de tout besoin réel. Mais ces symboles matériels, malgré leur éclat, restent incapables de bâtir des relations humaines solides ou un sentiment authentique de plénitude.
Les files d’attente interminables à la sortie d’un nouveau modèle de smartphone, alors que l’ancien fonctionne parfaitement, illustrent ce phénomène : il ne s’agit pas tant d’un besoin technologique que d’une quête de distinction sociale.
Répercussions dans le monde arabe contemporain
Dans les grandes villes arabes, la culture de consommation a pris un essor remarquable avec la prolifération des centres commerciaux et des saisons de soldes devenues de véritables événements sociaux. Lors des célébrations, la réussite sociale se mesure parfois au luxe des vêtements ou au montant dépensé pour les fêtes, même au prix de l’endettement.
Les réseaux sociaux amplifient encore cette dynamique, exposant des images et vidéos de biens et de styles de vie ostentatoires, rendant la comparaison permanente. Il n’est pas rare de voir un jeune changer de téléphone chaque année pour suivre la tendance, ou une famille renouveler son mobilier pour “rester à la mode”, alors que l’ancien est encore en bon état.
Vers une consommation responsable et durable
Il ne suffit pas de critiquer cette culture, il faut repenser notre rapport aux objets. Cela commence par des questions simples avant tout achat : en ai-je réellement besoin ? Existe-t-il une alternative plus durable ?
Soutenir les produits locaux, encourager le recyclage, adopter un mode de vie plus sobre… autant de gestes concrets vers un équilibre. Prolonger la durée de vie des appareils plutôt que de les remplacer systématiquement est un exemple simple mais efficace.
Questions pour l’avenir
La culture de consommation est un miroir de nos modes de vie et de nos valeurs. Mais sa persistance actuelle soulève des interrogations cruciales : pouvons-nous redéfinir le bonheur autrement que par l’accumulation ? Choisirons-nous de vivre en équilibre avec notre environnement, ou attendrons-nous que la crise écologique nous y contraigne ?
La réponse ne dépendra pas uniquement des gouvernements ou des marchés, mais bien de l’ensemble des petites décisions que nous, consommateurs, prendrons chaque jour.
www.chater-radio.com
© 2025. Tous droits réservés.